
Foutue arbalète ! Je me suis entaillé la main ! On dérape sur un petit engrenage et on se plante un outil dans la paume... Ça m'est arrivé tant de fois... Et c'est vraiment jamais agréable... Si c'était pas une commande que j'avais en retard, je pense que j’arrêterais pour la soirée... Mais bon, ça reste du travail, il faut s'y remettre...
Je suis dans mon atelier. Un peu a l'écart du camp -Je n'aime pas le brouhaha et les allés-retours incessants des Alothanriens, je préfère le calme de l'isolement- La nuit commence a tomber doucement. C'est magnifique a voir entre les branches d'arbres, au large de la cote... Mais c'est pas ce soir que je pourrais contempler l'art des Dieux...
J'allume le foyer derrière moi, sinon je vais rien pouvoir voir. C'est des habitudes, la routine, on fait les mêmes choses tous les jours, et quand j'y pense... C'est reposant ! C'est reposant de savoir qu'on vit une stabilité. Un rythme de vie mécanique, réglé, inchangeant. Au moins, on sait quoi faire.
Mais faut bien avouer que c'est ennuyeux... Très ennuyeux...
Parfois, ça me démange de sortir du camp, et juste de vagabonder, d'observer la nature. Alors j'en profite, a chaque fois que je voyage : Je passe a coté du conducteur de Dalicéros comme si il était invisible. Et a chaque fois, il fait son petit discours "Vous allez a Urpis je suppose ? Je peut vous y emmener en un clin d’œil !". Et a chaque fois, immanquablement, je l'ignore, avec cet air qui montre bien aux gens qu'on les ignore -même si ça semble paradoxal de bien montrer aux gens qu'on les ignore. Enfin bref, j'aime voyager a pied, ça me permet d'observer la beauté de la Création...
Mais bon, je divague. Ce soir je fabrique une arbalète... Bien au chaud, chez moi...
Je pousserai bien un soupir. Mais ça ne rend jamais très bien avec moi.
J'ai plus envie de juste apprécier la routine... La maintenant, j'ai envie de sortir ! J'ai envie de marcher ! Envie de courir si possible ! Mais pas de fabriquer une arbalète !... Juste pas de fabriquer une arbalète, au chaud, chez moi... Encore moins quand cette arbalète fait tout pour vous enlever la main !
Bon, la nuit est totalement tombée... Je vais finalement me résigner a finir cette arme a la lueur du feu. Ça fait bien une heure que je suis devant a divaguer, et j'ai toujours pas envie de m'y mettre. Mais c'est comme tout, une fois qu'on commence, on continue. Mais le truc, c'est de commencer !
Ah ? Y a une chose qui vient de se cogner contre la vitre ! Genre une grosse chose noire a plumes avec un message !
C'est toujours une bonne occasion de procrastiner les missives. Mais faut avouer que les corbeaux sont pas super doués de se prendre toujours cette fenêtre ci ! Il doivent être trop occupés a éviter les branches dehors pour faire gaffe a la vitre après. Enfin, je sais pas. D'habitude ils n'arrivent pas a une heure si tardive. Il doit juste avoir rien vu a cause du noir.
Après avoir pris le message et renvoyé le corbeau qui semblait s'être remis assez vite de sa collision, j'ai lu le rouleau.
Et je dois avouer que je m'attendais pas a grand chose, mais encore moins a ça !
Mais c'est bien comme message ! Enfin, le truc, c'est que ça va pas me permettre de procrastiner. Mais vraiment pas ! La il faut que je finisse l'arbalète puis que je parte vite ! Ça donne du courage on va dire, même si la différence entre "encourager" et "mettre sous pression" est très fine. mais peu importe, je vais la finir vite cette arme. Et après, je cours... Enfin, j'essayerais...
J'ai enfin fini, le bois est huilé, les engrenages graissés, la corde cirée. Le tout est fixé, une belle arme, mais peu importe. La, il est tard, a en juger par la lumière dehors, il doit bien être minuit passé. Mais je vais partir quand même. De toute façon, je pourrais faire quoi ? Dormir ? Si seulement...
Je vais préparer mais mes affaires du coup...
Mais...
ARH !
Mon bras !
Ca fait mal !
Comme ça, sans rien dire. Enfin, sans signes avant-coureurs... Comme d'habitude ! Mon bras me fait mal... Ça se répercute dans le cœur et dans la tête... C'est affreux. J'ai l'impression qu'un purifié sonne les grosses cloches de leur monastère a l'intérieur même de mon corps. Je tiens plus debout.
La vue troublée je cherche ma pipe... Je la bourre rapidement, prend un tison et l'allume. Je l’amène a ma bouche et tire la fumée, elle emplie mes poumons, semble se diffuser lentement dans mon corps, mes maux s’apaisent peu a peu. Je me laisse tomber dans un fauteuil...
Il attendra ce voyage. Au moins le temps d'un peu de Tonjina...

Je suis fin prêt, j'ai ma besace remplie. Mes armes sont la, j'ai l'arbalète. Un peu d'argent, enfin bref, vous pouvez bien imaginer ce qu'on emmène quand on va a Urpis non ?
J'éteins le foyer -J'ai pas envie de rentrer et de voir un bout de la foret parti en cendres !- je ferme tous mes coffres, puis je ferme la porte de l'atelier.
Je suis parti pour Urpis.
Je pourrais vous raconter tout mon voyage. Quand on a comme moi l'art d'apprécier la beauté de la nature, chaque voyage devient unique. On découvre de nouvelles formations florales, de nouvelles formes de vies dans la forêt, on s'arrête pour observer un vieux monument, et on philosophe. On regarde la beauté des reflets dans l'eau.
Certains trouvent ça sans intérêt. Et d'autres ne sont que des blasés ayant déjà tout vu... Mais le secret c'est de chercher le nouveau, alors on le trouve. En général...
Surtout quand on est sous l'effet de la Tonjina !
On peut aussi divaguer sur les chemins. Et se perdre... Par exemple, se perdre vraiment ! Dans la forêt... Ça peut arriver... Ça m'arrive la tout de suite d'ailleurs. On se sent... Ben... Perdu, on sait plus vraiment par où on est passé. Mais on peut retrouver le chemin en général, il suffit de reprendre ses esprits et de raisonner. Quand on connait la forêt, c'est pas un souci.
J'arrive enfin dans la célèbre ville. Urpis, Je la connais par cœur elle, ses rues, ses places, et surtout ses petites ruelles qui serpentent entre les bâtiments formant un réseau telles les nervures d'une feuille. C'est très pratique croyez moi : On trouve toujours un chemin court ! Enfin, pour l'instant, je n'en aurait pas besoin, aller a la Taverne du Croisement c'est pas ce qu'il y a de plus dur : C'est le cœur d'Urpis, si on puis dire !
Je rentre dans l'établissement alors même qu'un couple de drow sort, ils ont l'air un peu sur les nerfs, enfin, je m'y attarde pas, je fais assez peu attention en gens au final, la nature m'attire plus. Surtout la flore j'avoue. Même quand elle se fume pas, croyez moi...
La taverne a l'air bien active, ça fait toujours plaisir de voir que cet endroit est plein de vie. Mais souvent, ça fait pas plaisir a entendre : Les beuglements, les chansons paillardes, les commandes hurlées par dessus le chaos ambiant... Je suis partagé entre être incommodé par le bruit et arrangé par le brouhaha qui garanti toujours une certaine couverture. C'est toujours arrangeant la foule et le bruit quand on sait en tirer parti.
Mais là, ça me dérange pour trouver la personne que je cherche. Surtout qu'elle doit être elle aussi habituée a se fondre dans la masse. Enfin, je pense. Alors je regarde un peu partout, je vois la affiché sur le tableau une annonce... Il a fais ça ? Il faut que je le trouve !
Ah ! Le voilà ! Au milieu...
Je savais que les nains n'étaient pas légendaires pour leur discrétion... Mais là quand même ! Il a du se payer au moins un tonneau de bière en plein milieu de la taverne ! C'est pas très professionnel ça ! Enfin, remarquez, quand on arrive en retard a un rendez-vous avec un nain, c'est ce qui se passe... Avant les prunes qu'il vous met. Mais ça c'est une autre histoire.
Alors finalement, avec un peu d’appréhension, je m'avance vers la table, enfonçant ma capuche sur la tête en espérant que personne ne me reconnaisse.
"Bonjour... Mathm !" dis-je enfin de ma voix rouillée.
Je m'assois en face...
J'attends.