Acte II - Et les dieux marchèrent parmi les conscients
Naissance des Elfes
Ainsi naquirent les premiers êtres conscients, ceux que l'on appela Elfes. Grands et fins, ils dégageaient autant la douceur d'une brise matinale que la férocité d'un loup en chasse...
Sorad chargea sa nouvelle création de protéger l'arbre de vie et d'assurer sa succession par delà le temps. Pour cela, la divinité confia à cet enfant un cadeau que les autres dieux jalousèrentalors : la parole.
Devant la perfection de la nouvelle création de Sorad, non sans une certaine envie de faire de même, ses frères et sa sœur, Gorhann, Iridius et Hécate allèrent voir l'elfe dans le but de s'entretenir avec lui afin de vérifier si les dires sur la conscience qui lui avait été insufflée étaient vrais... Tous reconnurent cette perfection, il pouvait marcher et parler avec les dieux. Certes ce nouvel être n'avait que peu de pouvoirs et de connaissances, mais il marchait néanmoins a leurs cotés et pouvait même penser et réfléchir.
Sorad avait réussi ce qu'il avait espéré depuis toujours, montrer qu'il était le meilleur des quatre ... Du moins le laissait-il paraître à ses deux frères.
Chacun des dieux voulut apporter un présent à l’enfant de Sorad. Iridius lui apprit les rudiments de la bonté et de la justice, Gorhann lui enseigna une partie de son savoir incommensurable, quand à Hécate, elle, lui donna un secret jalousement gardé des dieux, le secret d'une vie sans fin, l'Éternité.
Gorhann et Iridius virent d'un mauvais oeil ce présent. L’Éternité était un privilège des dieux. Mais Hécate était intimement persuadée que cette descendance divine devait elle aussi jouir de cette exclusivité.
Et Sorad alla dans ce sens en offrant avec discrétion un sourire d'approbation mêlé d’une reconnaissance sans limite.
Iridius déclara alors que cet échange de cadeau n'avait pas pris fin, puis il tendit ses bras à son tour pour recevoir ses présents. Hécate s'indigna, Sorad eut un regard méprisant et Gorhann gronda. Ce n’était pas le moment, ce n'était pas son heure de gloire. Pourtant Iridius était sérieux et il argumenta ses motivations avec talent.
Il invoqua la justice et son ascendance toute divine. Chacun devait avoir les mêmes présents pour créer un être à son image, tout du moins devait-il avoir les composants nécessaires pour le créer s’il en était capable. Gorhann se rangea rapidement à cette logique pragmatique.
Sorad fut donc contraint d'offrir un présent pour chacun d'eux, il leur donna le secret de la conscience pour qu'eux aussi puissent créer un peuple à leur divine image.
Ce dieu alloua donc les mêmes offrandes à ses frères et sœur.
Ainsi devaient naître les autres peuples… Issus de la conscience, du savoir, de la justice et de l'éternité.
Le Paradis elfique
Gorhann ne mit que peu de temps à concevoir un peuple à son image. Forts et habiles, les dieux leur donnèrent le nom de Nains. Ils firent la fierté de leur père qui ne se lassait pas
de jouer avec eux et surtout d'étendre leurs connaissances.
Iridius fulminait, chaque tentative de création finissait en fumée, carbonisée. Ses résultats étaient imparfaits et Iridius ne pouvait se contenter d'un être au rabais.
Sa colère montait et son courroux menaçait à chaque instant.
Quand à Hécate, elle ne pouvait pas encore s'essayer à la création. Trop de magie avait été dissipée lors de la création du temps. Il lui faudrait du temps pour recouvrer l’énergie nécessaire. Aussi passa-t-elle d’innombrables moments en compagnie de Sorad et de ses précieux elfes.
Cette époque bénie est connue par tous comme le paradis elfique, bien qu’à cette même époque la prospérité touchait aussi bien les elfes que les nains. Mais l’approche des dieux vers leurs enfants était radicalement différente :
Gorhann prenait le temps d'enrichir de mille connaissances les nains pour les rendre autonomes. Qu’ils puissent un jour l’égaler le ravirait. Sorad et Hécate furent bien plus attentionnés, et ce fut le malheur des elfes.
Chaque désir, chaque rêve était assouvi par deux dieux qui devançaient les désirs des enfants. Les elfes devinrent rapidement capricieux et hautains. Ceux qui possèdent une courte vie ne peuvent comprendre ce que représente réellement l’ennui ! Ce que vaut la vie lorsque le temps n’a plus de prise sur vous et que chacun de vos buts sont implacablement réalisés par un dieu trop attentionné.
Et ainsi à l’image des dieux, les elfes cherchaient d’autres moyens d’explorer cette immortalité.
Hécate réalisa que son propre cadeau était une erreur sans pareil...Qu'y avait-il à craindre? Qu’y avait-il à vivre? Qu’y avait-il à attendre du temps quand celui-ci n'a pas de prise sur vous ? Les anciens avaient menacé l’être suprême pour les mêmes raisons.
Hécate avait lu les ouvrages de la tour de connaissance et devina la malédiction de l'éternité. Sa culpabilité grandissait à mesure que les siècles passaient. Elle vit alors la corruption s'étendre petit à petit au plus profond du cœur des elfes. Elle avait aussi compris le malheur qu’engendreraient les enfants divins ! Ils seraient responsables de la fin de l'ère des dieux comme ce fut le cas pour l’Etre Suprême.
Elle se confia à son bien aimé frère, l'implorant par amour de mettre fin à cette descendance. Elle n'apporterait que le chaos, comme l'avait engendré la descendance de l'être suprême. Mais Sorad, trop fier et confiant de sa création, balaya ses inquiétudes d'un revers de la main. Ses enfants étaient parfaits et le resteraient. Gorhann campa sur ses positions et se borna à préserver son jugement.
Hécate était au bord du désespoir. L'idée que les elfes et les nains furent une menace pour Sorad et ses frères lui était insupportable. Pire encore, son présent était la cause du drame qui se jouait déjà.
Elle comprit que la jalousie qu’éprouvait Iridius pourrait alors lui être précieuse pour s’en faire un allié. Elle l’implora de détruire elfes et nains avant qu'il ne soit trop tard. Lui non plus n’avait pas d’enfant et il serait le seul à avoir conscience de ce qui pouvait être évité. Iridius fut dans un premier temps surpris car tous pensait qu’Hécate chérissait les elfes autant que Sorad lui-même. S’il écouta attentivement Hécate, ses conclusions furent différentes. Certes les elfes étaient une menace mais pas les nains. Qui plus est, celui-ci comprit que c'était l'opportunité tant attendue pour rompre le lien puissant qui unissait Hécate et Sorad. Il fallait briser ce lien, il en avait souvent débattu avec son frère Gorhann.
La machination du Dieu Solaire
Le dieu solaire, comme il se plaisait à s’appeler lui-même, s’empressa de rapporter la nouvelle à son frère Gorhann. Il avait un plan. Il faudrait d’abord créer un objet capable
de trancher le fil de la vie d'un immortel. Seul Gorhann avait assez de talent pour créer cette arme.
Mais le père des nains compris le péril qui pesait sur ses propres enfants immortels. Et il s’emporta dans la plus indicible fureur qu’eurent alors connue les Terres divines.
Gorhann frappa alors son propre frère avec violence. Il le martela encore et encore, si fort qu’Iridius en laissa échapper des glapissements stridents tandis que son sang
divin se rependait sur le sol. Le pauvre dieu fut si sévèrement corrigé par son frère qu’il s’évanoui durant plusieurs cycles.
Les Nains étaient menacés et Gorhann les cacha dans de profonds tunnels qu'il creusa dans la plus haute montagne. Il avait créé ses montagnes et appris
à ses précieux enfants tous les secrets qu’elles contenaient pour qu’ils puissent s’en servir comme d’une protection. Pourtant les années passèrent sans qu’aucun péril
ne les menace, mais les nains avait pris gout à ces habitations solides faites de rocs, aussi décidèrent t’il d’y rester bien que l’éminente catastrophe avait l’air évanouie.
Durant ces années, vexé et humilié, Iridius réalisa alors à quel point il s’était trompé sur son propre frère Gorhann. Il se pensait son égal, mais depuis que Gorhann avait
réussi à créer un peuple à son image, un fossé de condescendance s’était creusé entre les deux dieux. Il regagnerait son amour propre et comblerait le fossé sous peu en
faisant disparaitre aussi les précieux nains. Marchant durant des années pour découvrir le monde qu’ils avaient créé, le dieu parcourut les Terres divines à la recherche du
savoir des anciens enfants de l’être suprême. Il collecta bien plus d’informations que nécessaire, déchiffrant et apprenant à maitriser certains secrets des anciens.
Mais avant tout, il était à la recherche d'un artefact assez puissant pour rompre l'immortalité elle-même. Sa quête dura et dura encore mais il finit par trouver.
Deux épées aussi anciennes que l’être suprême parcourues de flammes vertes millénaires. Un péril avait refait surface.
L’arme, le seul objet capable de rompre l’immortalité et avec elle une idée toute nouvelle, tuer.
Fort des connaissances acquises, il se hâta de revenir auprès de sa sœur dans un premier temps, fidèle à sa demande, il lui remit la première des armes.
La seconde, il l'offrit à Gorhann, en gage d’amitié. Mais au plus profond de lui-même, il espérait bien venger l'affront qu'il lui avait infligé lors de sa bastonnade… Les savoirs acquis lui permettaient de se douter de la suite des événements.
Hécate offrit consciemment ce terrible artefact à un elfe dont le nom s’est perdu dans les méandres du temps. Gorhann quand à lui ne mesura pas le danger que représentait l'épée, la voyant comme une savante énigme à résoudre, il enseigna à ses enfants son fonctionnement et les connaissances techniques qui en découlaient.
La plus terrible des connaissances eut un effet dévastateur. Les circonstances furent peu précises mais un elfe périt des mains d'un nain. L'éternité fut tranchée, brisée pour la première fois. L’énergie magique des 4 dieux fut soulevée dans un maelstrom, un cri perçant et déchirant traversa leurs âmes éternelles… Puis l’énergie d’un elfe immortel disparut dans le néant.
le Pacte d'Urhen Péis
La mort avait frappé et le chagrin des dieux fut sans fin. Les elfes crièrent vengeance pour la mort d'un de leurs semblables. Sorad lui-même demanda la tête du nain coupable.
Gorhann comprit que seul ce sacrifice comblerait l’âme de son frère, et dans un geste ultime de compassion, il se chargea lui-même d’effectuer cette sentence qui lui déchirait le cœur.
Après cela, plus rien ne fut comme par le passé entre les deux frères qui se vouèrent alors une haine tenace. Cette haine rejaillit sur leurs propres enfants qui bientôt ne pouvaient plus
cohabiter sur les mêmes terres. Les Nains avaient compris que cette vengeance engendrerait d'autres combats, d'autres morts. Alors ils désobéirent à leur père, Gorhann, et ils créèrent
des armes primitives mais mortelles pour se défendre. En réaction, les elfes fondèrent une civilisation où l'art du combat et la magie de guerre furent enseignés. Les Nains firent de même.
Des conflits apparurent, des vengeances de sang, et bientôt la mort était devenue partie prenante du cycle de la vie.
La situation était conforme aux prédictions d'Hécate, la noirceur de l'éternité pervertissait les âmes mais sa bonté ne pouvait lui permettre d’endurer un tel gâchis. Pire chaque nouveau
mort affaiblissait la puissance des dieux, rétrécissant par la même le fil de l’éternité. Les Quatre, conscients que leur puissance déclinait, choisirent un ancien temple de l'Etre Suprême pour
se réunir entre frères et sœurs. Le lieu imprégné de magie inhibait la colère et les joies. Un lieu parfaitement neutre au centre des terres divines.
Les échanges furent houleux et les débats s'orientèrent vers le destin des deux peuples créés par les dieux. Les elfes et les nains étaient d'égale valeur.
Les négociations aboutirent sur plusieurs accords d'une importance capitale. On nomma cet accord le Pacte d'Urhen Péis. Un pacte court, contenant seulement trois clauses à ne jamais violer :
-Il fut décidé de scinder les Terres divines en deux parts égales. Au Nord, ce serait le territoire des Nains dans lequel ils avaient déjà érigé plusieurs cités. Tandis qu’au Sud le territoire
des Elfes où de larges forêts et quelques cités plus modestes fleurissaient. Les négociations faillirent échouer lorsque l'on s'aperçût que l’Alon, un arbre millénaire fils de l'Yggdrasil, était en
territoire nain. Iridius força la décision mais c’est avec une terrible rancune que Sorad et ses Elfes abandonnèrent leur frère arbre.
-Tous se mirent d'accord sur un pacte de non ingérence totale entre les deux peuples. Aucun fils ne pourrait intervenir de quelconque moyen sur le territoire de l'autre peuple.
-Enfin, Hécate négocia que l'on créé également un puissant sortilège qui pourrait emprisonner les âmes les plus noires. Ceux qui enfreindraient volontairement
les deux premières clauses en subiraient alors les conséquences... Gorhann et Sorad créèrent ensemble une prison illusoire de mille cellules pour enfermer ceux qui rompraient
l'un des termes du pacte. On appela ce sortilège l'Urhen Péis, la Prison des Mille Ames.
Les quatre dieux furent presque satisfaits de ce traité, et donnèrent l'ordre à leurs enfants de le respecter.Cet événement est la première date archivée par les dieux. Le Pacte D'Urhen Péis marqua le renouveau des relations entre les peuples et leurs dieux.
l'Ere de la Sécession Pacifique
Pendant plusieurs siècles les tensions entre peuples et dieux s’apaisèrent, et la méfiance fit place au commerce. Le Sud possédait des ressources que le Nord
ne possédait pas en abondance tel que le bois ou des plantes médicinales, échangées contre les richesses minérales des montagnes septentrionales . Des cités
se dressèrent de chaque coté de la frontière.
Fidèles à leur engagement, les nains avaient créé une cité autour du point de tension qu’était l’arbre millénaire. Cette cité devait permettre non seulement de défendre le territoire nain
si une incursion elfe devait survenir, mais aussi et surtout d’envoyer un message clair aux enfants de Sorad… Nous protégeons également l’arbre millénaire Alon.
Cette cité fut nommée Alontharia, la cité de l’arbre millénaire.
Cette forteresse fut pourtant rapidement l’un des points de commerce privilégié des deux peuples, preuve que les tensions bien présentes semblaient s’atténuer avec le temps.
La symbolique de la puissante union architecturale naine faisait écho à la beauté toute elfique de l’Alon, plus imposant que jamais.
Les conscients, fils des dieux, apprenaient à vivre plus ou moins en paix, faisant place à une nouvelle forme de conflit plus pacifique, la négociation. Il exista bien quelques soulèvements
ou individus belliqueux mais ceux-ci était implacablement écroués dans l’Urhen Péis pour une détention à perpétuité. Les dieux eux-mêmes avaient appris à mieux cohabiter.
Iridius semblait avoir perdu de sa rancune envers ses frères. Seul Sorad refusait encore de voir Gorhann, la mort d’un précieux enfant ne pouvant être si facilement oubliée.