Une nouvelle aube
Une nouvelle aube
Une nouvelle aube
La terre était humide, comme à l'accoutumée, les boyaux emplis d'une légère odeur de calcaire et celle plus prenante du fer remontait des profondeurs. Un matin parmi tant d'autres, un de plus que je passais ici à me cacher. Pas tant des autres que de moi-même. Combien de temps? Je ne sais plus. Le temps semble une notion bien ancienne pour moi, effacée, oubliée. Quand je tente repenser au passé je ne vois que des flashs. Des images, plus ou moins nettes mais toutes, toutes, teintées d'un voile rouge. Le voile de la Soif. Si celle-ci a fini par devenir une amante certes passionnée mais dont j'arrive à retenir les ardeurs, elle n'en reste pas moins envahissante et ne me laisse guère de force pour garder toute ma tête. Tout juste ai-je, après Charaz sait combien de cycles, réussi à avoir assez d'emprise sur moi-même pour ne pas la laisser me contrôler avec aisance. Je dois encore la combattre, à chaque instant, mais une majeure partie de la journée je puis la garder à l'écart.
C'est au crépuscule qu'elle devient un ennemi presque palpable, une force indomptable presque, qui me vrille chairs et os.
Depuis quelques temps j’ai remarqué que même l’odeur des nains passant non loin ne me lançait plus, en journée tout du moins. Je me suis déjà demandé si j’étais prêt alors, à ressortir d’ici. A la lumière. Au milieu des autres. A la vie. Si l’on peut nommer cela une vie. Une autre question à laquelle je n’ai pas vraiment de réponse pour l’heure. Mais je me contente de me questionner sur la première. Jour après jour je me suis rapproché de l’ouverture de la grotte et ce matin enfin je vois la lumière. Des rais rouges filtrant d’une couverture légère et cotonneuse, soulignant la vallée aux couleurs hivernales. Lentement je m’approche de la fine ouverture dans la roche, donnant sur un surplomb situé à une dizaine de mètres d’un chemin menant à quelques huttes. Ai-je jamais rêvé autre chose que de revoir le ciel ? De respirer l’air pur de dehors ? Cela me semble si irréel. Je peux enfin me tenir droit, ce qui ne va pas sans difficulté, ni sans douleur. Doucement je m’étends, sentant mes muscles travailler d’une façon qu’ils n’ont plus connue depuis trop longtemps pour se le remémorer. Doucement j’ouvre les bras et penche la tête en arrière, offrant mon visage au soleil naissant. Je revis, songe-je un instant. Un très court instant avant que de rouvrir les yeux et regarder ce qui me sert de vêtements.
Je n’avais plus rien sur la peau jusqu’à il y a peu. Au fond d’une salle sous la montagne j’avais trouvé il y a peu un corps, ou ce qu’il en restait. Une flèche plantée au creux des reins, guère plus que des os sous des vêtements passés d’âge, dont le terme mité était bien loin de refléter leur état. Toutefois, j’étais nu et j’avais dans l’idée de rejoindre les vivants, je ne fis donc pas le difficile et pris sans hésitation ce « trophée », sans remords non plus, sans même penser au fait que ce squelette avait été un temps un vivant et qu’il avait eu lui ou elle aussi une vie. Et une mort.
J’étais donc là, enguenillé et au seuil d’une nouvelle aube dans ma vie. Je m’étais décidé à sortir de cet ermitage et maintenant que ma décision était prise je n’avais plus de raison de douter ou hésiter. D’un pas sûr je descendais donc du surplomb et commençais à arpenter le chemin rocailleux qui menait, à ce que j’entendais de loin, à une ville. Quel ravissement pour mon ouïe, que de discerner autre chose que le long et calme cheminement de long sur la roche, des vers grouillant dans la terre, de bêtes raclant les grottes de griffes qu’on ne souhaite jamais connaître de près. Là le son du marteau sur l’enclume. Ici le sifflement du boulanger qui sort sa fournée. J’étais encore bien loin de la ville que déjà elle m’enivrait de sons et d’odeurs. Je me rendis compte que cela allait être d’ailleurs certainement difficile voire insoutenable une fois sur place. Mais je DEVAIS rejoindre la civilisation. Peu m’importait pourquoi, cette certitude acquise je ne savais comment, me suffisait.
Après plusieurs heures de marche j’arrivais devant les portes de la ville. Un panneau croisé plus tôt me renseigna sur son nom. Urpis. Cela ne me rappelait rien, mais la région entière me semblait inconnue de toute façon. Les épaules voutées et les genoux encore trop pliés, se souvenant de façon viscérale du plafond trop bas des grottes, je passais les portes ouvertes et observais la ville et ce qu’elle avait à offrir. Le pied nu je glissais doucement le long des murs des bâtiments, arrivant bientôt vers la place principale. Et là, malgré moi je me mis à trembler.
Tant de gens, tant d’odeurs, tant de bruits. C’était tant de stimuli ! Sans m’en rendre compte je me recroquevillais sur moi-même tandis que je tentais de garder le contrôle de mes sens, les intimant à se calmer. Bientôt j’étais au sol, planté sur mes pieds, les genoux remontés devant ma face, mes mains sur mes oreilles, à deux doigts de convulser.
La terre était humide, comme à l'accoutumée, les boyaux emplis d'une légère odeur de calcaire et celle plus prenante du fer remontait des profondeurs. Un matin parmi tant d'autres, un de plus que je passais ici à me cacher. Pas tant des autres que de moi-même. Combien de temps? Je ne sais plus. Le temps semble une notion bien ancienne pour moi, effacée, oubliée. Quand je tente repenser au passé je ne vois que des flashs. Des images, plus ou moins nettes mais toutes, toutes, teintées d'un voile rouge. Le voile de la Soif. Si celle-ci a fini par devenir une amante certes passionnée mais dont j'arrive à retenir les ardeurs, elle n'en reste pas moins envahissante et ne me laisse guère de force pour garder toute ma tête. Tout juste ai-je, après Charaz sait combien de cycles, réussi à avoir assez d'emprise sur moi-même pour ne pas la laisser me contrôler avec aisance. Je dois encore la combattre, à chaque instant, mais une majeure partie de la journée je puis la garder à l'écart.
C'est au crépuscule qu'elle devient un ennemi presque palpable, une force indomptable presque, qui me vrille chairs et os.
Depuis quelques temps j’ai remarqué que même l’odeur des nains passant non loin ne me lançait plus, en journée tout du moins. Je me suis déjà demandé si j’étais prêt alors, à ressortir d’ici. A la lumière. Au milieu des autres. A la vie. Si l’on peut nommer cela une vie. Une autre question à laquelle je n’ai pas vraiment de réponse pour l’heure. Mais je me contente de me questionner sur la première. Jour après jour je me suis rapproché de l’ouverture de la grotte et ce matin enfin je vois la lumière. Des rais rouges filtrant d’une couverture légère et cotonneuse, soulignant la vallée aux couleurs hivernales. Lentement je m’approche de la fine ouverture dans la roche, donnant sur un surplomb situé à une dizaine de mètres d’un chemin menant à quelques huttes. Ai-je jamais rêvé autre chose que de revoir le ciel ? De respirer l’air pur de dehors ? Cela me semble si irréel. Je peux enfin me tenir droit, ce qui ne va pas sans difficulté, ni sans douleur. Doucement je m’étends, sentant mes muscles travailler d’une façon qu’ils n’ont plus connue depuis trop longtemps pour se le remémorer. Doucement j’ouvre les bras et penche la tête en arrière, offrant mon visage au soleil naissant. Je revis, songe-je un instant. Un très court instant avant que de rouvrir les yeux et regarder ce qui me sert de vêtements.
Je n’avais plus rien sur la peau jusqu’à il y a peu. Au fond d’une salle sous la montagne j’avais trouvé il y a peu un corps, ou ce qu’il en restait. Une flèche plantée au creux des reins, guère plus que des os sous des vêtements passés d’âge, dont le terme mité était bien loin de refléter leur état. Toutefois, j’étais nu et j’avais dans l’idée de rejoindre les vivants, je ne fis donc pas le difficile et pris sans hésitation ce « trophée », sans remords non plus, sans même penser au fait que ce squelette avait été un temps un vivant et qu’il avait eu lui ou elle aussi une vie. Et une mort.
J’étais donc là, enguenillé et au seuil d’une nouvelle aube dans ma vie. Je m’étais décidé à sortir de cet ermitage et maintenant que ma décision était prise je n’avais plus de raison de douter ou hésiter. D’un pas sûr je descendais donc du surplomb et commençais à arpenter le chemin rocailleux qui menait, à ce que j’entendais de loin, à une ville. Quel ravissement pour mon ouïe, que de discerner autre chose que le long et calme cheminement de long sur la roche, des vers grouillant dans la terre, de bêtes raclant les grottes de griffes qu’on ne souhaite jamais connaître de près. Là le son du marteau sur l’enclume. Ici le sifflement du boulanger qui sort sa fournée. J’étais encore bien loin de la ville que déjà elle m’enivrait de sons et d’odeurs. Je me rendis compte que cela allait être d’ailleurs certainement difficile voire insoutenable une fois sur place. Mais je DEVAIS rejoindre la civilisation. Peu m’importait pourquoi, cette certitude acquise je ne savais comment, me suffisait.
Après plusieurs heures de marche j’arrivais devant les portes de la ville. Un panneau croisé plus tôt me renseigna sur son nom. Urpis. Cela ne me rappelait rien, mais la région entière me semblait inconnue de toute façon. Les épaules voutées et les genoux encore trop pliés, se souvenant de façon viscérale du plafond trop bas des grottes, je passais les portes ouvertes et observais la ville et ce qu’elle avait à offrir. Le pied nu je glissais doucement le long des murs des bâtiments, arrivant bientôt vers la place principale. Et là, malgré moi je me mis à trembler.
Tant de gens, tant d’odeurs, tant de bruits. C’était tant de stimuli ! Sans m’en rendre compte je me recroquevillais sur moi-même tandis que je tentais de garder le contrôle de mes sens, les intimant à se calmer. Bientôt j’étais au sol, planté sur mes pieds, les genoux remontés devant ma face, mes mains sur mes oreilles, à deux doigts de convulser.
Si la vie m'a été donnée, c'est pour que j'en use selon ma volonté. Je n'accepte donc nul maître, qu'il foule ces terres ou demeure au fond de mon être.
Re: Une nouvelle aube
A quelques pas de là, quelques instants plus tôt, une altercation éclatait entre un herboriste du marché couvert et une cliente à la chevelure flamboyante. Penchés tous deux au-dessus de l'étal de l'homme au dos vouté et aux joues mangés par une barbe coupée avec minutie, l'une le toisait d'un regard aussi sombre que ses prunelles émeraudes le permettaient tandis que le second la considérait avec une obséquieuse condescendance.
- Vous vous moquez de moi ! l'accusait la Purifiée avec un agacement à peine dissimulé. Vous me les annonciez à moitié prix il y a à peine trente minutes.
- Oui, mais c'était, comme vous venez si judicieusement de le faire remarquer, il y a trente minutes. Le cours des plantes est on ne peut plus fluctuant, lui répondit-il en feignant l'impuissance d'un haussement d'épaules.
- C'est votre honnêteté qui est fluctuante, lui rétorqua Thanis d'une voix tonnante, faisant se tourner quelques têtes que le marchand ne manqua pas de remarquer.
- Allons, allons, fit-il avec un geste d'apaisement. Il n'aimait guère les esclandres- qui ne faisaient jamais bon ménage avec le commerce -aussi tenta-t-il une dernière fois de raisonner l'insatisfaite. " Il n'y a rien que de plus normal à la situation présente, ne vous en déplaise. Ces "larmes d'Hécate" étaient bien à 125 stells, et vous avez préférez continuer votre marché ailleurs. Or, trente minutes plus tard, vous revenez finalement me les prendre. Cela signifie, soit que vous en avez trouvé chez mes concurrents à un prix supérieur, et dans ce cas il n'y a rien de plus logique à ce que je me réaligne sur les prix du marché, soit que vous n'en avez trouvé nulle part ailleurs, auquel cas cela montre que ces plantes présentent une certaine rareté, ce qui logiquement en augmente le prix. Toujours en toute logique donc, je me vois contraint d'en revoir la valeur.
La Purifiée se pencha un peu plus vers l'homme, se retenant à grand peine de le saisir par le col impeccablement lissé de sa tunique. La colère commençait à prendre le pas sur son agacement premier, et elle prit sur elle de ne pas le chahuter plus.
- Ne serait-il pas alors tout aussi logique, en tant que membre d'une race dont les élans de violence peuvent malheureusement survenir pour de bien moindres contrariétés, que je me contente d'extraire le sang de votre misérable petite carcasse puis que je me serve directement sur votre étal ?
Se disant, elle avait retroussé ses lèvres sur ses canines, offrant au vendeur un sourire carnassier qui le fit malgré lui reculer, et ce fut d'une voix à l'assurance malmenée qu'il tenta de raisonner son potentiel assassin.
- Voyons, que vous apporterait un meurtre en pleine ville, sinon des ennuis ? Surtout pour quelques 350 stells...
- 350 !!... ne put s'empêcher de s'exclamer la Purifiée, oubliant pour un temps d'adopter son masque de damnée.
- Eh, fit le vendeur d'un énième haussement d'épaules. Visiblement, je dois ajouter une prime de risque à la vente de ces plantes. Alors...
Se redressant dans un soupir consterné, Thanis ré-évalua la situation en tâchant de recouvrer son calme. Au bout d'à peine deux minutes, que l'herboriste passa à la fixer avec une légère appréhension, se fut avec une sérénité de surface qu'elle reprit la parole.
- Nous sommes partis sur de mauvaises bases, vous en conviendrez.
- Absolument.
- Mes paroles ont dépassé mes pensées. J'en suis navrée.
- Ce n'est rien.
L'air triomphant sur le visage de son vis-à-vis ne la perturba pas, et elle continua sur le même ton aimable.
- Oublions tout ce qui s'est dit, voulez-vous ? Reprenons tout à zéro, et faisons comme si je venais juste d'arriver sur votre étal. Entendu ?
- Entendu. Oublions tout ceci, s'empressa d'acquiescer l'homme avec une satisfaction non dissimulée.
- Parfait, s'exclama la purifiée en ouvrant sa bourse.
Elle en sortit plusieurs pièces qu'elle fit tomber dans les mains de l'homme en même temps qu'elle se saisissait du petit sac contenant les fleurs séchées qui l'intéressaient. Elle s'était éloignée d'à peine quelques pas lorsque le cri du vendeur retentit derrière elle.
- Revenez. Il n'y a que 125 stells.
- C'est leur prix, lui cria-t-elle par dessus son épaule sans s'arrêter.
Elle avait atteint l'entrée du marché couvert lorsqu'elle sentit qu'on lui agrippait sa cape de voyage. Avec un claquement de langue agacée, elle arracha le bout de tissu de la main de l'herboriste qui l'avait suivie.
- Vous me devez 225 stells encore, lui cria-t-il dessus, le visage rougi par la colère.
- Vous ne m'avez jamais annoncé ce prix, lui rétorqua-t-elle en s'éloignant sur la grande place.
- Bien sûr que si, insista-t-il en la rattrapant et en lui saisissant le bras. J'ai été très clair. Ca, c'était le prix lors de votre première visite. Au cours de votre seconde visite...
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parlez. Nous en étions convenu. Et veuillez me lâcher, lui lança-t-elle en lui faisant face et en essayant de se dégager, tout en continuant de reculer loin de lui.
Mais l'homme avait plus de poigne qu'elle n'imaginait, et elle dut tirer plus fort que prévu pour s'en défaire. Quand enfin elle y parvint, son élan l'envoya en arrière et ses jambes butèrent contre une masse. Déséquilibrée, elle se retrouva au sol, laissant échapper malgré elle le petit sachet de plantes sur lequel le vendeur se rua avant de déguerpir. Elle allait se lancer à sa suite lorsqu'un bref regard vers la cause de sa chute la retint.
La "masse" était en fait un homme. Et celui-ci paraissait pour le moins en piteux état.
Avec un dernier regard de regret vers l'entrée du marché couvert qui venait d'engloutir l'herboriste, ses plantes et ses stells, elle se résigna et s'en détourna. Elle se redressa en époussetant sa cape de voyage et son pantalon, et considéra l'homme à terre avant de s'agenouiller à son niveau.
- Eh bien. Vous ne paraissez pas en très grande forme. Si je puis vous donner un conseil, ne trainez pas trop à terre ici. Les marchands, tout comme les voleurs, n'hésiteront pas à venir vous y faire les poches.
- Vous vous moquez de moi ! l'accusait la Purifiée avec un agacement à peine dissimulé. Vous me les annonciez à moitié prix il y a à peine trente minutes.
- Oui, mais c'était, comme vous venez si judicieusement de le faire remarquer, il y a trente minutes. Le cours des plantes est on ne peut plus fluctuant, lui répondit-il en feignant l'impuissance d'un haussement d'épaules.
- C'est votre honnêteté qui est fluctuante, lui rétorqua Thanis d'une voix tonnante, faisant se tourner quelques têtes que le marchand ne manqua pas de remarquer.
- Allons, allons, fit-il avec un geste d'apaisement. Il n'aimait guère les esclandres- qui ne faisaient jamais bon ménage avec le commerce -aussi tenta-t-il une dernière fois de raisonner l'insatisfaite. " Il n'y a rien que de plus normal à la situation présente, ne vous en déplaise. Ces "larmes d'Hécate" étaient bien à 125 stells, et vous avez préférez continuer votre marché ailleurs. Or, trente minutes plus tard, vous revenez finalement me les prendre. Cela signifie, soit que vous en avez trouvé chez mes concurrents à un prix supérieur, et dans ce cas il n'y a rien de plus logique à ce que je me réaligne sur les prix du marché, soit que vous n'en avez trouvé nulle part ailleurs, auquel cas cela montre que ces plantes présentent une certaine rareté, ce qui logiquement en augmente le prix. Toujours en toute logique donc, je me vois contraint d'en revoir la valeur.
La Purifiée se pencha un peu plus vers l'homme, se retenant à grand peine de le saisir par le col impeccablement lissé de sa tunique. La colère commençait à prendre le pas sur son agacement premier, et elle prit sur elle de ne pas le chahuter plus.
- Ne serait-il pas alors tout aussi logique, en tant que membre d'une race dont les élans de violence peuvent malheureusement survenir pour de bien moindres contrariétés, que je me contente d'extraire le sang de votre misérable petite carcasse puis que je me serve directement sur votre étal ?
Se disant, elle avait retroussé ses lèvres sur ses canines, offrant au vendeur un sourire carnassier qui le fit malgré lui reculer, et ce fut d'une voix à l'assurance malmenée qu'il tenta de raisonner son potentiel assassin.
- Voyons, que vous apporterait un meurtre en pleine ville, sinon des ennuis ? Surtout pour quelques 350 stells...
- 350 !!... ne put s'empêcher de s'exclamer la Purifiée, oubliant pour un temps d'adopter son masque de damnée.
- Eh, fit le vendeur d'un énième haussement d'épaules. Visiblement, je dois ajouter une prime de risque à la vente de ces plantes. Alors...
Se redressant dans un soupir consterné, Thanis ré-évalua la situation en tâchant de recouvrer son calme. Au bout d'à peine deux minutes, que l'herboriste passa à la fixer avec une légère appréhension, se fut avec une sérénité de surface qu'elle reprit la parole.
- Nous sommes partis sur de mauvaises bases, vous en conviendrez.
- Absolument.
- Mes paroles ont dépassé mes pensées. J'en suis navrée.
- Ce n'est rien.
L'air triomphant sur le visage de son vis-à-vis ne la perturba pas, et elle continua sur le même ton aimable.
- Oublions tout ce qui s'est dit, voulez-vous ? Reprenons tout à zéro, et faisons comme si je venais juste d'arriver sur votre étal. Entendu ?
- Entendu. Oublions tout ceci, s'empressa d'acquiescer l'homme avec une satisfaction non dissimulée.
- Parfait, s'exclama la purifiée en ouvrant sa bourse.
Elle en sortit plusieurs pièces qu'elle fit tomber dans les mains de l'homme en même temps qu'elle se saisissait du petit sac contenant les fleurs séchées qui l'intéressaient. Elle s'était éloignée d'à peine quelques pas lorsque le cri du vendeur retentit derrière elle.
- Revenez. Il n'y a que 125 stells.
- C'est leur prix, lui cria-t-elle par dessus son épaule sans s'arrêter.
Elle avait atteint l'entrée du marché couvert lorsqu'elle sentit qu'on lui agrippait sa cape de voyage. Avec un claquement de langue agacée, elle arracha le bout de tissu de la main de l'herboriste qui l'avait suivie.
- Vous me devez 225 stells encore, lui cria-t-il dessus, le visage rougi par la colère.
- Vous ne m'avez jamais annoncé ce prix, lui rétorqua-t-elle en s'éloignant sur la grande place.
- Bien sûr que si, insista-t-il en la rattrapant et en lui saisissant le bras. J'ai été très clair. Ca, c'était le prix lors de votre première visite. Au cours de votre seconde visite...
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parlez. Nous en étions convenu. Et veuillez me lâcher, lui lança-t-elle en lui faisant face et en essayant de se dégager, tout en continuant de reculer loin de lui.
Mais l'homme avait plus de poigne qu'elle n'imaginait, et elle dut tirer plus fort que prévu pour s'en défaire. Quand enfin elle y parvint, son élan l'envoya en arrière et ses jambes butèrent contre une masse. Déséquilibrée, elle se retrouva au sol, laissant échapper malgré elle le petit sachet de plantes sur lequel le vendeur se rua avant de déguerpir. Elle allait se lancer à sa suite lorsqu'un bref regard vers la cause de sa chute la retint.
La "masse" était en fait un homme. Et celui-ci paraissait pour le moins en piteux état.
Avec un dernier regard de regret vers l'entrée du marché couvert qui venait d'engloutir l'herboriste, ses plantes et ses stells, elle se résigna et s'en détourna. Elle se redressa en époussetant sa cape de voyage et son pantalon, et considéra l'homme à terre avant de s'agenouiller à son niveau.
- Eh bien. Vous ne paraissez pas en très grande forme. Si je puis vous donner un conseil, ne trainez pas trop à terre ici. Les marchands, tout comme les voleurs, n'hésiteront pas à venir vous y faire les poches.
Re: Une nouvelle aube
Je n'avais rien vu venir. J'étais toujours à genoux, perdu dans ma prison sensorielle lors que quelque chose me tomba dessus. Je tombais moi aussi sur le côté, déséquilibré par ce qui venait de me percuter. Dans le mouvement je m'arrachais un peu de chair. En effet sans m'en rendre compte et visiblement pour me retenir de mordre le premier passant, j'avais planté mes crocs dans mon avant-bras gauche. Or je n'eus pas le réflexe d'ouvrir les mâchoires avant que ma tête ne soit rejetée sous le choc. La douleur me fournit un pic de lucidité, assez en tout cas pour pouvoir regarder celle (puisqu'il s'agissait d'une femme) qui était la cause de tout cela.
Une jeune femme aux cheveux de feu se tenait là, les traits finement tracés, de longs cils soulignant un regard doux…une douceur qui se retrouvait dans ses formes et ses gestes. Le feu qui couve au sein de la braise. Je humais l’air et découvrait flottant sur elles diverses odeurs de fleurs et de plantes en plus de celles du marché. Et puis, trace légère, comme un voile de soie posé sur sa peau, une odeur familière. Je dus chercher un instant avant de déterminer son origine. Quand j’y arrivais j’usais de mes dernières forces pour crocher le bas de sa veste entre mes doigts et la regarder droit dans les yeux. J’étais à deux doigts de craquer mais il me fallait lui parler. C’était ma dernière chance.
-Vous…vous êtes…moi.
-…Soif…submerge…trop Soif…veux pas…mordre…aidez…moi.
Cet effort me coûta tant que je glissais à nouveau au sol, presque en position fœtale, mes doigts restant agrippés à elle non pas mûs par ma volonté mais seulement car j’étais incapable de les desserrer.
Une jeune femme aux cheveux de feu se tenait là, les traits finement tracés, de longs cils soulignant un regard doux…une douceur qui se retrouvait dans ses formes et ses gestes. Le feu qui couve au sein de la braise. Je humais l’air et découvrait flottant sur elles diverses odeurs de fleurs et de plantes en plus de celles du marché. Et puis, trace légère, comme un voile de soie posé sur sa peau, une odeur familière. Je dus chercher un instant avant de déterminer son origine. Quand j’y arrivais j’usais de mes dernières forces pour crocher le bas de sa veste entre mes doigts et la regarder droit dans les yeux. J’étais à deux doigts de craquer mais il me fallait lui parler. C’était ma dernière chance.
-Vous…vous êtes…moi.
-…Soif…submerge…trop Soif…veux pas…mordre…aidez…moi.
Cet effort me coûta tant que je glissais à nouveau au sol, presque en position fœtale, mes doigts restant agrippés à elle non pas mûs par ma volonté mais seulement car j’étais incapable de les desserrer.
Si la vie m'a été donnée, c'est pour que j'en use selon ma volonté. Je n'accepte donc nul maître, qu'il foule ces terres ou demeure au fond de mon être.
Re: Une nouvelle aube
La Purifiée eut un mouvement de recul lorsque l'homme agrippa son vêtement, et elle était sur le point de le lui arracher des mains lorsque ses paroles l'en dissuadèrent.
Elle le regarda plus attentivement, et se maudit de ne pas avoir remarqué de suite sa condition.
Un regard circulaire à la place bondée sur laquelle ils se trouvaient lui confirma l'imminence d'un bain de sang si ce vampire ne refoulait pas sa Soif.
Elle reconsidéra alors l'homme, puis exhala un soupir inaudible. Le programme de sa journée était définitivement compromis.
Entourant les épaules du vampire d'un bras autoritaire, elle l'aida à se relever et l'entraîna aussi rapidement qu'elle le pouvait vers la plus proche ruelle qui lui sembla déserte. Ils la remontèrent jusqu'à une intersection où Thanis les fit bifurquer, les faisant s'enfoncer un peu plus dans les méandres du coeur d'Urpis.
Ils atteignirent bientôt une minuscule place pavée où un banc de pierre se disputait l'espace réduit avec une fontaine encastrée dans le mur d'un haut bâtiment.
La Purifiée fit s'asseoir l'homme et lui tendit une petit flasque cuivrée qu'elle sortit de la besace qu'elle portait en bandoulière.
- Buvez. Cela atténuera votre Soif, au moins pour un temps. Ce n'est pas aussi bon que du sang de villageois, mais c'est beaucoup moins répréhensible. C 'est du sang de porc. Vous pouvez vider la bouteille si vous voulez. Je n'en aurais personnellement plus l'utilité aujourd'hui.
Elle le regarda plus attentivement, et se maudit de ne pas avoir remarqué de suite sa condition.
Un regard circulaire à la place bondée sur laquelle ils se trouvaient lui confirma l'imminence d'un bain de sang si ce vampire ne refoulait pas sa Soif.
Elle reconsidéra alors l'homme, puis exhala un soupir inaudible. Le programme de sa journée était définitivement compromis.
Entourant les épaules du vampire d'un bras autoritaire, elle l'aida à se relever et l'entraîna aussi rapidement qu'elle le pouvait vers la plus proche ruelle qui lui sembla déserte. Ils la remontèrent jusqu'à une intersection où Thanis les fit bifurquer, les faisant s'enfoncer un peu plus dans les méandres du coeur d'Urpis.
Ils atteignirent bientôt une minuscule place pavée où un banc de pierre se disputait l'espace réduit avec une fontaine encastrée dans le mur d'un haut bâtiment.
La Purifiée fit s'asseoir l'homme et lui tendit une petit flasque cuivrée qu'elle sortit de la besace qu'elle portait en bandoulière.
- Buvez. Cela atténuera votre Soif, au moins pour un temps. Ce n'est pas aussi bon que du sang de villageois, mais c'est beaucoup moins répréhensible. C 'est du sang de porc. Vous pouvez vider la bouteille si vous voulez. Je n'en aurais personnellement plus l'utilité aujourd'hui.
Re: Une nouvelle aube
Je m’accrochais comme je pus à cette femme lorsqu’elle m’épaula, et la suivais, yeux fermés pour tenter repousser un peu encore cette Soif, inexorable. Cette Soif que je pensais pouvoir maîtriser, en tout cas museler. Et voilà que la réalité me rattrapait, crue, sanglante, bestiale, violente. J’étais incapable de me retenir plus de quelques minutes entouré de veines palpitantes, de gorges rosées, de seins trépidants. Je n’entendais que trop bien leur cœur pomper ce fluide ferreux si goûtu, si juteux, du muscle cardiaque, jusqu’aux extrémités les plus fines du corps. Léger à l’aller, plus entêtant au retour, empreint de tous ces restes de vices que le corps purifiait au gré des pulsations. Le sang. Ce liquide si précieux qui fût un temps ne devait rien signifier pour moi, du moins tant qu’il n’était pas en train de sortir de mon corps sous le coup d’une blessure quelconque, mettant alors ma vie en jeu. Aujourd’hui…me voilà esclave de lui. Drogue et panacée, tout à la fois.
Entre deux spasmes je constatais être assis sur un banc, une flasque se balançant devant mes narines. Lentement j’ouvrais les yeux et tout aussi lentement les mots de l’étrangère attinrent ma conscience. Du sang de porc. Cela semblait être normal pour elle. Buvait-elle cela pour se garder de boire aux cous des Autres ? Les doigts roides je pris la gourde et, avec difficulté, je l’ouvris, puis l’apportais à mes lèvres. Une légère gorgée, à peine de quoi glisser sur ma langue et déjà je revivais. Le monde reprenait sa place, mes sens leur intégrité. Je n’étais plus clos dans une prison de chair, même morte, je redevenais maître de mon corps. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas bu autre chose que du sang de vermine ou d’insecte. C’était…bon. Doucement je redressais mon buste, levais ma tête et prit une longue inspiration avant d’exhaler profondément. Je refis la même chose une dizaine de fois avant de rouvrir les yeux et de plonger mon regard dans celui de ma sauveuse.
-Merci. Je ne sais ce qu’il serait advenu si d’aventure vous ne m’aviez porté assistance. Je vous en dois une, dame.
Je refermais le flacon, cette fois avec une dextre parfaite et tout en douceur. Je regardais alors autour de moi et étudiais le village.
-Je crois que c’était présumer de mes forces que de venir ici. Trop de monde, trop de vie. Grâce aux Dieux, vous étiez là.
Avec un léger sourire je lui tendis sa flasque, en profitant pour la détailler.
Entre deux spasmes je constatais être assis sur un banc, une flasque se balançant devant mes narines. Lentement j’ouvrais les yeux et tout aussi lentement les mots de l’étrangère attinrent ma conscience. Du sang de porc. Cela semblait être normal pour elle. Buvait-elle cela pour se garder de boire aux cous des Autres ? Les doigts roides je pris la gourde et, avec difficulté, je l’ouvris, puis l’apportais à mes lèvres. Une légère gorgée, à peine de quoi glisser sur ma langue et déjà je revivais. Le monde reprenait sa place, mes sens leur intégrité. Je n’étais plus clos dans une prison de chair, même morte, je redevenais maître de mon corps. Cela faisait si longtemps que je n’avais pas bu autre chose que du sang de vermine ou d’insecte. C’était…bon. Doucement je redressais mon buste, levais ma tête et prit une longue inspiration avant d’exhaler profondément. Je refis la même chose une dizaine de fois avant de rouvrir les yeux et de plonger mon regard dans celui de ma sauveuse.
-Merci. Je ne sais ce qu’il serait advenu si d’aventure vous ne m’aviez porté assistance. Je vous en dois une, dame.
Je refermais le flacon, cette fois avec une dextre parfaite et tout en douceur. Je regardais alors autour de moi et étudiais le village.
-Je crois que c’était présumer de mes forces que de venir ici. Trop de monde, trop de vie. Grâce aux Dieux, vous étiez là.
Avec un léger sourire je lui tendis sa flasque, en profitant pour la détailler.
Si la vie m'a été donnée, c'est pour que j'en use selon ma volonté. Je n'accepte donc nul maître, qu'il foule ces terres ou demeure au fond de mon être.
Re: Une nouvelle aube
Thanis reprit la flasque et la remit à sa place, au fond de sa besace.
- Je ne pense pas vous avoir déjà croisé au monastère, fit-elle en le regardant avec insistance quelques instants. Mais je peux me tromper. Je ne puis me targuer d'en connaître - ou reconnaître- tous les habitants.
Elle considéra son allure crasseuse et eut une petite moue.
- Cela fait en tout cas longtemps que vous n'avez pas croisé de bains. Ou en tout cas un lavoir. Sans vouloir paraître indiscrète, où avez-vous bien pu trainer pour vous mettre dans un tel état ?
L'accoutrement de l'homme lui évoquait un vagabond, mais ses manières - une fois rassasié - démentait cette première impression. Et cela suffisait pour attiser la curiosité de la Purifiée.
- Je ne pense pas vous avoir déjà croisé au monastère, fit-elle en le regardant avec insistance quelques instants. Mais je peux me tromper. Je ne puis me targuer d'en connaître - ou reconnaître- tous les habitants.
Elle considéra son allure crasseuse et eut une petite moue.
- Cela fait en tout cas longtemps que vous n'avez pas croisé de bains. Ou en tout cas un lavoir. Sans vouloir paraître indiscrète, où avez-vous bien pu trainer pour vous mettre dans un tel état ?
L'accoutrement de l'homme lui évoquait un vagabond, mais ses manières - une fois rassasié - démentait cette première impression. Et cela suffisait pour attiser la curiosité de la Purifiée.
Re: Une nouvelle aube
Je levais un sourcil. Monastère ? Quel monastère ? Et puis sa question sur les bains…ah, j’allais devoir m’expliquer. Pas que j’en avais bien envie mais, après tout, elle m’avait sorti d’un bien mauvais pas. Je lui devais bien quelques explications quant aux raisons de cet évènement. Longuement j’inspirais, tentant de me redresser pour bien faire et essayant de trouver dans l’air chargé de tant de parfums la force de décrire la réponse que cette femme attendait.
-Je m’appelle Eluni, et je crains ne pas savoir de quel monastère vous parlez. Je crains en fait, ne rien savoir de cette région. La Soif m’avait rendu presque fou il y a de cela un certain temps, qu’à dire vrai je n’ai aucune façon de mesurer. Derrière ce voile rubis qui me possédait subsistait toutefois un reliquat de volonté. C’est avec ce soupçon d’esprit qu’il me restait que je décidais, visiblement, de me réfugier dans des grottes, quelque part je crois à l’Est d’ici. Mais je serais bien en mal de l’affirmer. J’y ai vécu autant de temps qu’il me fallut pour apprendre à reprendre le contrôle de moi-même, suffisamment pour ne plus être esclave de la Soif…du moins le croyais-je alors que ce matin je faisais pour la première fois, une sortie dans le « monde civilisé ». Force m’est d’avouer que finalement, ma volonté ne devait pas être si affermie puisque sans vous, je crains que je me sois laissé subjuguer par cette ire bestiale. Sur le chemin de la sortie des grottes dont je parlais plus tôt, j’ai trouvé ces frusques sur un corps, enfin ce qu’il en restait. Tout ceci explique donc que, bien malgré moi, je ressemble plus à un tas d’immondice qu’à… un être.
Je buttais sur le mot « homme ». Qu’étais-je désormais ? Comment me définir ? Une question à laquelle je devais trouver réponse rapidement, si je voulais ne pas devenir fou, j’en étais certain.
-Je m’appelle Eluni, et je crains ne pas savoir de quel monastère vous parlez. Je crains en fait, ne rien savoir de cette région. La Soif m’avait rendu presque fou il y a de cela un certain temps, qu’à dire vrai je n’ai aucune façon de mesurer. Derrière ce voile rubis qui me possédait subsistait toutefois un reliquat de volonté. C’est avec ce soupçon d’esprit qu’il me restait que je décidais, visiblement, de me réfugier dans des grottes, quelque part je crois à l’Est d’ici. Mais je serais bien en mal de l’affirmer. J’y ai vécu autant de temps qu’il me fallut pour apprendre à reprendre le contrôle de moi-même, suffisamment pour ne plus être esclave de la Soif…du moins le croyais-je alors que ce matin je faisais pour la première fois, une sortie dans le « monde civilisé ». Force m’est d’avouer que finalement, ma volonté ne devait pas être si affermie puisque sans vous, je crains que je me sois laissé subjuguer par cette ire bestiale. Sur le chemin de la sortie des grottes dont je parlais plus tôt, j’ai trouvé ces frusques sur un corps, enfin ce qu’il en restait. Tout ceci explique donc que, bien malgré moi, je ressemble plus à un tas d’immondice qu’à… un être.
Je buttais sur le mot « homme ». Qu’étais-je désormais ? Comment me définir ? Une question à laquelle je devais trouver réponse rapidement, si je voulais ne pas devenir fou, j’en étais certain.
Si la vie m'a été donnée, c'est pour que j'en use selon ma volonté. Je n'accepte donc nul maître, qu'il foule ces terres ou demeure au fond de mon être.
Re: Une nouvelle aube
La Purifiée considéra le vampire pendant un long et silencieux moment. Il était impossible de ne pas reconnaître l'Eveil dans le parcours de cet être damné, et elle connaissait parfaitement les errances, les tourments et les questionnements qu'entrainait cet état de conscience au début de son éclosion.
Elle pouvait encore passer son chemin. Lui offrir quelques stells pour l'aider à reprendre un masque civilisé en s'offrant une nuit d'hôtel, un bain chaud, des vêtements décents et propres et quelques repas. Lui donner l'adresse du monastère, et retourner elle-même vaquer à ses occupations, sans s'encombrer plus d'un rappel vivant de sa propre condition instable, de cette lutte perpétuelle entre instinct et retenue, sauvagerie et maîtrise, damnation et purification. Et ne pas revivre, dans les échecs inévitables que rencontrera cet homme, ses propres défaites.
Les temps changeaient. L'avenir même de l'île -ou tout du moins son état actuel - se couvrait d'un voile d'incertitude. Avait-elle vraiment de temps à sacrifier à guider un inconnu qui se perdrait peut-être malgré elle ?
Et tandis qu'elle dévisageait ce vampire, un autre visage se superposa au sien. Doux, et en même temps déterminé. Ses souvenirs l'entraînèrent loin en arrière, dans une taverne d'une ville alors synonyme d'espoir. Une dernière chance lui avait été offerte, par une vampire qu'elle non plus ne connaissait pas.
Un sourire se dessina alors sur les lèvres de Thanis à l'évocation de sa mentor, aujourd'hui disparue, et sa décision fut prise. Si la fin de leur monde devait arriver demain, alors elle désirait au moins une dernière fois se montrer digne d'Hitharan.
Sortant de ses réflexions, le regard qu'elle posait sur le vampire se fit plus déterminé.
- Alors pour ton premier jour hors de ta grotte, tu peux t'estimer chanceux, Eluni. Tout du moins si tu es bien décidé à t'extraire de l'asservissement de ta Soif.
Elle marqua une courte pause, juste pour le laisser bien s'imprégner de ses mots et le rendre plus attentif à ce qui allait suivre :
- Je me nomme Thanis. Et je viens de Lurhilis, là où se trouve le monastère que j'évoquais. La ville est située au sud ouest de l'île, et elle est un refuge pour les vampires qui comme toi -comme nous- désirent reprendre le contrôle des pulsions sanguinaires inhérentes à notre race. En fait, elle est bien plus que ça. Tu y trouveras de l'aide. Un soutien dans le combat qui te divise. Tu as déjà franchi une première étape, en t'Eveillant. Cette phase est primordiale, mais ce n'est que le début d'une longue route. Si tu le veux, je peux t'y conduire. Et peut-être t'aider. Seul, ta quête pourrait s'avérer beaucoup plus ardue. Je ne dis pas que ce sera facile si tu me suis jusqu'à Lurhilis, mais épaulé, disons que cela sera peut-être un peu moins dur. A toit de décider.
Elle pouvait encore passer son chemin. Lui offrir quelques stells pour l'aider à reprendre un masque civilisé en s'offrant une nuit d'hôtel, un bain chaud, des vêtements décents et propres et quelques repas. Lui donner l'adresse du monastère, et retourner elle-même vaquer à ses occupations, sans s'encombrer plus d'un rappel vivant de sa propre condition instable, de cette lutte perpétuelle entre instinct et retenue, sauvagerie et maîtrise, damnation et purification. Et ne pas revivre, dans les échecs inévitables que rencontrera cet homme, ses propres défaites.
Les temps changeaient. L'avenir même de l'île -ou tout du moins son état actuel - se couvrait d'un voile d'incertitude. Avait-elle vraiment de temps à sacrifier à guider un inconnu qui se perdrait peut-être malgré elle ?
Et tandis qu'elle dévisageait ce vampire, un autre visage se superposa au sien. Doux, et en même temps déterminé. Ses souvenirs l'entraînèrent loin en arrière, dans une taverne d'une ville alors synonyme d'espoir. Une dernière chance lui avait été offerte, par une vampire qu'elle non plus ne connaissait pas.
Un sourire se dessina alors sur les lèvres de Thanis à l'évocation de sa mentor, aujourd'hui disparue, et sa décision fut prise. Si la fin de leur monde devait arriver demain, alors elle désirait au moins une dernière fois se montrer digne d'Hitharan.
Sortant de ses réflexions, le regard qu'elle posait sur le vampire se fit plus déterminé.
- Alors pour ton premier jour hors de ta grotte, tu peux t'estimer chanceux, Eluni. Tout du moins si tu es bien décidé à t'extraire de l'asservissement de ta Soif.
Elle marqua une courte pause, juste pour le laisser bien s'imprégner de ses mots et le rendre plus attentif à ce qui allait suivre :
- Je me nomme Thanis. Et je viens de Lurhilis, là où se trouve le monastère que j'évoquais. La ville est située au sud ouest de l'île, et elle est un refuge pour les vampires qui comme toi -comme nous- désirent reprendre le contrôle des pulsions sanguinaires inhérentes à notre race. En fait, elle est bien plus que ça. Tu y trouveras de l'aide. Un soutien dans le combat qui te divise. Tu as déjà franchi une première étape, en t'Eveillant. Cette phase est primordiale, mais ce n'est que le début d'une longue route. Si tu le veux, je peux t'y conduire. Et peut-être t'aider. Seul, ta quête pourrait s'avérer beaucoup plus ardue. Je ne dis pas que ce sera facile si tu me suis jusqu'à Lurhilis, mais épaulé, disons que cela sera peut-être un peu moins dur. A toit de décider.
Re: Une nouvelle aube
Tout était si brouillon, si confus. Mes mémoires me semblaient n’être que douleur, pénombre et vermeil. Vampire disait-elle, cette « Thanis » ? Thanis. Un nom doux sur le lobe de mes oreilles. Un nom que je ne peinerai pas à retenir, le premier que l’on m’offre depuis mon…éveil avait-elle dit ? N’avait-elle pas parlé de race d’ailleurs ? Les gens comme moi devaient donc être nombreux, un certain nombre en tout cas. Et si je la comprenais bien une part de cette « race », avait cherché comme je le faisais à rejeter cette Soif. Intriguant. Mais potentiellement rassurant. Une once d’espoir dans ce nuage de détresse, cette poix de folie !
Je relevais mes yeux sur cette femme. Son parfum, les frémissements de son corps, tout semblait montrer qu’elle était franche avec moi. Pouvais-je la croire ? La suivre ? Avais-je seulement un autre choix. Moi qui me croyait assez fort, il n’avait pas fallu plus d’une dizaine de minutes à portée de corps chauds pour être en proie à un feu intérieur si dévorant que ma volonté s’était dispersée comme fumée au vent.
Avec un sourire je haussais les épaules, paumes vers le ciel.
-Ma foi, des portes de l’enfer où je me trouve, un voyage avec vous me paraît déjà un avant goût de paradis ! S’il y a quelques herses, pieux, lames et poisons à affronter en chemin pour arriver à m’en sortir, pour sûr votre présence ne pourra que m’aider à tenir le coup. A tout le moins.
Je me levais, époussetais mes guêtres plus par réflexe que par réelle utilité et fichais mes yeux dans ceux de Thanis, plus sérieux cette fois.
-Je suis prêt à vous suivre. Et je saurai me souvenir que je vous dois une vie…ou une mort peut-être plutôt.
Je relevais mes yeux sur cette femme. Son parfum, les frémissements de son corps, tout semblait montrer qu’elle était franche avec moi. Pouvais-je la croire ? La suivre ? Avais-je seulement un autre choix. Moi qui me croyait assez fort, il n’avait pas fallu plus d’une dizaine de minutes à portée de corps chauds pour être en proie à un feu intérieur si dévorant que ma volonté s’était dispersée comme fumée au vent.
Avec un sourire je haussais les épaules, paumes vers le ciel.
-Ma foi, des portes de l’enfer où je me trouve, un voyage avec vous me paraît déjà un avant goût de paradis ! S’il y a quelques herses, pieux, lames et poisons à affronter en chemin pour arriver à m’en sortir, pour sûr votre présence ne pourra que m’aider à tenir le coup. A tout le moins.
Je me levais, époussetais mes guêtres plus par réflexe que par réelle utilité et fichais mes yeux dans ceux de Thanis, plus sérieux cette fois.
-Je suis prêt à vous suivre. Et je saurai me souvenir que je vous dois une vie…ou une mort peut-être plutôt.
Si la vie m'a été donnée, c'est pour que j'en use selon ma volonté. Je n'accepte donc nul maître, qu'il foule ces terres ou demeure au fond de mon être.